Par un arrêté du 30 juin 2021 le préfet des Côtes-d’Armor a délivré à la société Plumieux Energies une autorisation environnementale pour l’installation d’un parc éolien. La commune, tiers intéressé, a entendu contester cette autorisation devant la Cour administrative de Nantes[1], qui l’a déboutée par un arrêt du 10 janvier 2023. La commune s’est pourvue devant le Conseil d’Etat qui lui, a annulé l’arrêté litigieux.
1. Spécificité du régime juridique des parcs éoliens :
Les installations classées pour l’environnement (ICPE) sont soumises à l’obligation d’obtenir une autorisation environnementale, en application de l’article L181-1 du code de l’environnement.
Les projets de parcs éoliens, lorsqu’ils sont classés comme « ICPE » sont dispensés d’autorisation d’urbanisme, l’article R.425-29-2 du Code de l’urbanisme dispose que :
« Lorsqu’un projet d’installation d’éoliennes terrestres est soumis à autorisation environnementale en application du chapitre unique du titre VIII du livre Ier du code de l’environnement, cette autorisation dispense du permis de construire.
Lorsque des travaux exécutés sur des éoliennes terrestres font l’objet d’un arrêté complémentaire pris sur le fondement de l’article R. 181-45 du code de l’environnement, ces travaux sont dispensés de formalité au titre du code de l’urbanisme. »
A priori, la dispense d’autorisation d’urbanisme permet au pétitionnaire de bénéficier d’un régime plus favorable et de faciliter la réalisation de son projet. Pour autant, cela ne lui permet pas de se soustraire aux règles d’occupation des sols. Le Conseil d’Etat, dans l’arrêt présenté, s’est assuré que le projet de parc éolien, même dispensé de permis de construire, soit conforme au PLU au jour de l’octroi de l’autorisation environnementale.
2. Position du Conseil d’Etat :
L’article L181-9 du Code de l’environnement détaille les étapes de la procédure d’instruction de l’autorisation environnementale :
« L’instruction de la demande d’autorisation environnementale, après qu’elle a été jugée complète et régulière par l’autorité administrative, se déroule en deux phases :
1° Une phase d’examen et de consultation ;
2° Une phase de décision.
Toutefois, l’autorité administrative compétente peut rejeter la demande au cours de la phase d’examen et de consultation lorsque celle-ci fait apparaître que l’autorisation ne peut être accordée en l’état du dossier ou du projet.
Il en va notamment ainsi lorsque l’autorisation environnementale ou, le cas échéant, l’autorisation d’urbanisme nécessaire à la réalisation du projet, apparaît manifestement insusceptible d’être délivrée eu égard à l’affectation des sols définie par le plan local d’urbanisme ou le document en tenant lieu ou la carte communale en vigueur au moment de l’instruction, à moins qu’une procédure de révision, de modification ou de mise en compatibilité du document d’urbanisme ayant pour effet de permettre cette délivrance soit engagée. »
Dans l’article susvisé, le législateur a laissé une zone grise quant à l’appréciation de la conformité du dossier d’autorisation environnementale. Il a en effet énoncé que cette appréciation devait se faire au regard des documents d’urbanisme en vigueur « au moment de l’instruction ». Le problème ici est que l’instruction d’une demande d’autorisation environnementale peut être longue, comme cela a été le cas en l’espèce où l’instruction a duré près de trois ans. Dès lors, il y a de fortes chances qu’entre le moment où le pétitionnaire a déposé son dossier et celui où l’autorité environnementale statue, la réglementation sur l’usage des sols ait été modifiée.
Dans ce cas, la question est la suivante : au moment de la phase de décision, l’autorité environnementale doit-elle prendre en compte la réglementation urbanistique en vigueur au moment du dépôt du dossier ou celle en vigueur au jour où elle statue ?
Dans son arrêt rendu le 24 juillet 2024, n°472039, le Conseil d’Etat s’est positionné sur la seconde option :
« Il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu’en se bornant, pour écarter le moyen tiré de ce que le dossier de demande d’autorisation environnementale était irrégulier faute de comporter un document établissant que le projet était conforme au plan local d’urbanisme en vigueur au moment de l’instruction, à relever que ce dossier comportait un document établissant que le projet de parc éolien était conforme au plan local d’urbanisme en vigueur à la date du dépôt de cette demande, sans rechercher si le nouveau plan local d’urbanisme, approuvé avant que n’intervienne la décision du 30 juin 2021, comportait des dispositions qui étaient de nature à avoir une incidence sur le projet de parc éolien justifiant qu’un complément soit apporté sur ce point au dossier de demande d’autorisation environnementale, la cour administrative d’appel de Nantes a commis une erreur de droit. »
Ainsi, le terme de « moment de l’instruction » qui figure aux articles L.181-9 et D.181-15-2 du Code de l’environnement doit s’interpréter comme étant le jour de la décision de l’autorité environnementale et non le jour du dépôt du dossier de l’autorisation.
Cette solution conforte le principe de légalité et s’accorde avec l’office du juge en matière d’installations classées :
- Toute construction, même dispensée d’autorisation d’urbanisme doit se conformer à la réglementation des sols en vigueur. Apprécier la conformité du parc éolien au jour de la décision de l’autorité environnementale, permet de s’assurer du respect de cette obligation législative.
- Le juge, en matière d’ICPE, statue en plein contentieux et prend ainsi en considération les éléments de fait et de droit existant au jour de sa décision (CE 9 août 2023 Association Environnement et patrimoines en pays du Serein, req. n° 455196 : mentionné dans les tables du recueil Lebon).
En revanche, cette solution porte quelque peu atteinte au principe de sécurité juridique, et fait peser un poids sur le pétitionnaire :
- le dépôt d’un dossier complet et conforme à la réglementation des sols en vigueur au moment du dépôt du dossier et donc au début de l’instruction ne cristallise pas la situation du pétitionnaire. Ce dernier devra, jusqu’à ce que l’autorité environnementale statue sur son autorisation, effectuer une veille juridique sur cette réglementation des sols de sorte à actualiser son dossier si nécessaire.
- En application de l’article D.181-15-2 13° du code de l’environnement, la régularisation du dossier de demande d’autorisation environnementale doit s’accompagner de la délibération ou de l’acte formalisant l’approbation du nouveau document de réglementation des sols.
[1] L’article R.311-5 du Code de justice administrative donne compétence aux cours administratives d’appel pour statuer en premier et dernier ressort sur l’autorisation environnementale des éoliennes.
Pauline BIALY – Juriste alternante
Ronan BLANQUET – Avocat Associé
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