Le 2 décembre 2024, le tribunal administratif de Caen a rendu deux jugements (n°2300756 et n°2300758) favorables à une exploitante agricole. Cette décision illustre concrètement les conditions dans lesquelles une exploitation agricole peut bénéficier d’une dérogation à la loi Littoral, prévue à l’article L.121-10 du Code de l’urbanisme.
1. ✅ Les faits : deux projets agricoles sur un même terrain
Installée depuis 2014, la requérante avait déposé deux demandes de permis de construire sur un terrain situé à Ranville, en zone littorale :
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Le 4 août 2022, elle demande l’autorisation de construire un bâtiment agricole de 404 m² pour le stockage de fourrage et de matériel.
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Le 20 octobre 2022, elle sollicite un permis pour une maison d’habitation nécessaire à son activité.
Pourtant, le maire refuse les deux projets par arrêtés des 26 décembre 2022 et 13 février 2023. L’exploitante saisit alors le juge administratif, qui annule les refus.
2. 🧾 Un projet conforme au PLU : les critères de nécessité agricole
Le terrain est classé en zone N par le Plan Local d’Urbanisme (PLU). En principe, cette zone limite la constructibilité. Cependant, elle autorise les projets indispensables à l’activité agricole.
Dans ce contexte, le tribunal vérifie la nécessité des constructions :
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🔹 Concernant le bâtiment agricole : la requérante élève une soixantaine de bovins sans disposer d’espace suffisant pour stocker le fourrage. Son activité, exercée à titre principal, justifie pleinement la construction.
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🔹 Concernant la maison d’habitation : l’exploitation exige une présence constante, notamment en période de vêlage. Des attestations de veaux mort-nés appuient cette exigence. Le fait de vivre à 4 km ne suffit pas pour garantir la surveillance adéquate.
➡️ Conclusion : les projets respectent le PLU car ils répondent aux besoins réels de l’exploitation.
3. 🏝️ Loi Littoral et dérogation agricole : quand l’article L.121-10 s’applique
En zone littorale, l’article L.121-8 interdit toute construction hors des agglomérations et villages existants. Toutefois, l’article L.121-10 permet une dérogation pour les exploitations agricoles, à deux conditions cumulatives :
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Le projet doit être nécessaire à l’exploitation agricole.
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Il doit se situer en dehors des espaces proches du rivage.
⚖️ Position du juge dans cette affaire
La commune soutenait que le SCOT (Schéma de cohérence territoriale) identifiait le terrain comme un espace proche du rivage, ce qui rendait inapplicable l’article L.121-10.
Le tribunal a rejeté cet argument en s’appuyant sur deux éléments :
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Le SCOT ne définit pas clairement les limites des espaces proches du rivage.
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Un arrêté préfectoral du 7 octobre 2022 classe le terrain hors de ces espaces.
➡️ Par conséquent, la dérogation agricole prévue à l’article L.121-10 s’applique pleinement.
⚠️ Refus de permis illégal : une double violation du droit
Le tribunal a constaté une double erreur du maire :
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Le projet respecte les règles du PLU.
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Les conditions de la dérogation à la loi Littoral sont réunies.
Dès lors, le juge annule les arrêtés de refus et ordonne la délivrance des permis de construire.
📌 En résumé : construire en zone littorale pour une ferme est possible
Un exploitant agricole peut obtenir un permis de construire en zone littorale, même hors des agglomérations, si :
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La construction est indispensable à son activité.
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Le projet n’est pas situé dans un espace proche du rivage.
💡 Bon à savoir : les maires ne peuvent pas refuser un permis en se fondant uniquement sur la loi Littoral, si les conditions de l’article L.121-10 sont remplies.
Pauline BIALY – Juriste alternante
Ronan BLANQUET – Avocat Associé
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