Bien que cette situation tende à se raréfier, il se peut qu’une commune se trouve dépourvue de tout document d’urbanisme. Cela est notamment le cas des communes dont le plan d’occupation des sols est devenu caduc. Par deux jugements du 13 novembre 2024, le tribunal administratif de Caen a eu l’occasion de revenir sur la constructibilité d’un projet dont le terrain d’assiette se situe dans un espace littoral dépourvu de document de planification urbanistique.
1. Les faits :
Première affaire TA Caen, 2e ch., 13 nov. 2024, n° 2202780
Le 22 juillet 2022, un propriétaire a déposé une déclaration préalable de division de sa parcelle en vue de bâtir auprès de la mairie de Blainville-sur-Mer.
Par un arrêté du 18 août 2022, le préfet de la Manche a émis un avis défavorable quant à la réalisation du projet en arguant que le terrain d’assiette se situait en dehors des parties urbanisées de la commune.
Le 19 août, le maire s’est donc opposé à la déclaration.
Seconde affaire TA Caen, 2e ch., 13 nov. 2024, n° 2202356
Le 14 juin 2022, un pétitionnaire a déposé une demande de permis de construire une maison d’habitation.
Par un arrêté du 12 juillet 2022, le maire a refusé de délivrer un tel permis suite à un avis défavorable du préfet.
2. Contours de la compétence du maire en l’absence de document d’urbanisme :
En cas d’absence de carte communale, de PLU ou de document d‘urbanisme en tenant lieu, le maire doit requérir l’avis du préfet avant de se prononcer sur la légalité d’un projet.
Si l’avis préfectoral est défavorable, le maire est en situation de compétence liée : il est tenu de le suivre et de refuser l’autorisation (article L 422-5 du code de l’urbanisme).
En revanche, si l’avis du préfet est favorable, le maire n’est pas tenu de délivrer l’autorisation et peut la refuser (en ce sens, Conseil d’Etat, 3 février 2021, n°434335).
Il est encore à noter que l’avis du préfet ne peut faire l’objet d’un recours par voie d’action (il n’est pas directement contestable).
En revanche, la légalité de cet avis peut être invoquée par la voie de l’exception à l’occasion d’un recours contre la décision du maire.
En l’espèce, les deux communes n’étaient plus couvertes par un quelconque document d’urbanisme.
L’accord du préfet était donc requis.
3. Principe d’urbanisation des communes soumises au Règlement national d’urbanisme (RNU) :
L’article L. 111-3 du Code de l’urbanisme impose le principe suivant : en l’absence de document d’urbanisme, le territoire de la commune est inconstructible, à l’exception des parties déjà urbanisées.
Dans la première affaire, le tribunal administratif de Caen juge :
« Ces dispositions interdisent, en principe, en l’absence de plan local d’urbanisme ou de carte communale opposable aux tiers ou de tout document d’urbanisme en tenant lieu, les constructions implantées « en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune », c’est-à-dire des parties du territoire communal qui comportent déjà un nombre et une densité significatifs de constructions. Il en résulte qu’en dehors des cas où elles relèvent des exceptions expressément et limitativement prévues, les constructions ne peuvent être autorisées dès lors que leur réalisation a pour effet d’étendre la partie actuellement urbanisée de la commune. Pour apprécier si un projet a pour effet d’étendre la partie actuellement urbanisée de la commune, il est notamment tenu compte de sa proximité avec les constructions existantes situées dans les parties urbanisées de la commune ainsi que du nombre et de la densité des constructions projetées.»
Il est intéressant de relever que les communes littorales soumises au RNU se heurtent à une difficulté dans leur urbanisation : alors même que l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme relatif à la loi littoral autorise les extensions de l’urbanisation des villages et agglomérations, le RNU lui, limite le droit de construire à la seule partie urbanisée, proscrivant les extensions de l’urbanisation.
Ce constat plaide pour que les communes littorales concernées adoptent un document d’urbanisme.