
L’exercice du droit de préemption : l’exigence d’un projet réel
Lorsqu’elles exercent leur droit de préemption urbain (DPU), les collectivités doivent démontrer, à la date à laquelle elles l’exercent, la réalité d’un projet d’action ou d’opération d’aménagement. Ce projet peut rester sommaire dans sa définition, mais il doit impérativement être réel.
Une exigence confirmée par la jurisprudence récente
Trois illustrations récentes, tranchées par le juge administratif, illustrent cette exigence.
En l’espèce : Une commune entendait exercer son DPU afin de maintenir une activité commerciale de « distribution de carburants adossé à un agrandissement des locaux des services techniques municipaux » permettant, en théorie, de satisfaire les objectifs du PADD et du SCOT mais également de « constituer une réserve foncière permettant d’encourager la dynamique commercial et d’assurer le maintien, l’extension ou l’accueil des activités économiques de proximité au sein du bourg ».
Pourquoi la décision a été annulée ?
- Aucun projet de maintien d’une activité de carburant n’était mentionné dans le PADD et le SCOT
- Cette activité avait d’ailleurs cessé depuis plusieurs mois.
- De plus, une étude d’attractivité des centres-bourgs, réalisée dans le territoire communautaire, prévoyait la valorisation de l’ancienne station-essence par une opération participant à la réduction des contraintes inhérentes au centre-bourg (activités ne générant pas de nuisances en rez-de-chaussée)
- Les échanges entre la commune et la région n’évoquaient qu’un vague projet de rénovation ( » un projet d’achat + rénovation d’un ancien local commercial « )
👉 En conclusion : Le juge a estimé que la commune ne démontrait aucunement la réalité de son projet
En l’espèce : Le maire de Perpignan a exercé le DPU sur un ancien couvent que la communauté des religieuses de Sainte-Claire s’apprêtait à vendre à une association pour plus d’un million d’euros.
Pourquoi la décision a été annulée ?
- La ville décrivait sa politique globale en matière de préservation du patrimoine, mais aucun projet spécifique ne concernait le couvent préempté.
- En outre, l’insuffisance de motivation de la décision a été relevée par le juge. En effet, elle se bornait à indiquer que « l’acquisition de cet ensemble immobilier s’inscrit dans un objectif de sauvegarde et de mise en valeur du patrimoine bâti (ensemble conventuel) et non bâti (parc) de la ville » et à rappeler l’un des objets définis à l’article L.300-1 du code de l’urbanisme.
👉 En conclusion : Un projet non ciblé ne justifie pas l’exercice du droit de préemption.
En l’espèce : Une commune souhaitait créer un parc, guider les déplacements dans un milieu dunaire, et permettre l’implantation saisonnière d’activités respectueuses de l’environnement.
Pourquoi la décision a été annulée ?
- Notre cabinet a obtenu l’annulation de la décision car la commune ne justifiait pas de la réalité d’un projet d’aménagement à la date de la décision de préemption
- Des investissements dans les environs ne suffisent pas à prouver la réalité d’un projet sur la parcelle visée.
- Par ailleurs, la tenue d’une réunion entre le maire et trois élus du conseil municipal se bornant à évoquer de façon générale la nécessité de conforter l’activité touristique et de valoriser le patrimoine non bâti est apparue insuffisante.
👉 En conclusion : Une intention ne suffit pas. Il faut des éléments concrets pour légitimer l’exercice du droit de préemption.
Ce qu’il faut retenir
🔹 Le droit de préemption urbain ne peut s’exercer que dans le cadre d’un projet d’aménagement réel, sérieux et justifié.
🔹 L’administration doit être en mesure de prouver l’existence du projet au moment de la décision (documents, études, programme précis…)
🔹 Une motivation vague ou une intention non concrétisée expose la décision à l’annulation par le juge administratif.
Aurélia MICHINOT – Juriste
Ronan BLANQUET – Avocat Associé
Intervenant dans les Côtes d’Armor, le Finistère, le Morbihan, l’Ille-et-Vilaine, la Manche, la Loire Atlantique, la Mayenne et sur l’ensemble du territoire, Maître Ronan Blanquet et son équipe se tiennent à votre disposition pour :
- Vous éclairez sur vos droits ;
- Sécuriser juridiquement vos projets et les faire aboutir ;
- Défendre vos intérêts en négociations ou au contentieux ;
- Agir dans les actions indemnitaires portant sur les dommages liés aux actions de l’administration.
Vous avez besoin de renseignements juridiques en droit administratif-urbanisme, ou de défendre vos intérêts ? Contactez-nous.
cabinet@adicea-avocats.fr – 02.22.66.97.87.