Autorisation d’urbanisme – L’impossibilité d’obtenir une autorisation tacite d’urbanisme en cas de refus d’accord du préfet
Dans un arrêt du 25 juin 2024 n°474026, les cinquième et sixième chambres du Conseil d’Etat sont revenues sur le sort d’une autorisation implicite de permis de construire soumis à l’accord du préfet.
I – Chronologie des faits et procédure
- Une demande de permis de construire pour la construction d’une maison individuelle a été déposée le 6 juillet 2018.
- Le 4 septembre 2018, le préfet des Yvelines a émis un refus d’accord pour le projet (le projet en cause se situait dans une commune non couverte par un document d’urbanisme).
- En raison de ce refus, Par un arrêté du 20 septembre 2018, le maire de la commune a refusé de délivrer ce permis de construire. La bénéficiaire du permis a demandé l’annulation de cette décision de refus.
Le tribunal administratif a rejeté sa demande par un jugement du 4 novembre 2019.
Par un arrêt du 9 mars 2023, la Cour administrative d’appel de Versailles a annulé ce jugement ainsi que l’arrêté litigieux et a enjoint au maire de délivrer un certificat de permis de construire tacite à la requérante.
Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a formé un pourvoi devant le Conseil d’Etat et demande l’annulation de l’arrêt.
II – La question de droit
La question de droit posée au Conseil d’Etat est la suivante : « Est-il possible d’obtenir une autorisation d’urbanisme de façon tacite alors qu’un refus d’accord par l’autorité liante a été opposé ? »
Le Conseil d’Etat répond ici par la négative. Dès lors qu’une décision tacite est née, alors qu’un refus d‘accord a été émis, le maire n’a d’autre choix que de procéder au retrait et non au refus de l’autorisation en cause. Concrètement, le refus du maire sera simplement requalifié en retrait.
En somme, le maire se trouve en situation de compétence liée tant pour l’octroi de la décision que son retrait.
III – Réponse du Conseil d’Etat : la double situation de compétence liée du maire
- Le maire en situation de compétence liée pour délivrer l’autorisation
- Le principe de l’octroi d’une autorisation en situation de compétence liée
Tout d’abord, le juge rappelle le principe de compétence liée en matière d’urbanisme :
« Lorsque la délivrance d’une autorisation d’urbanisme est subordonnée à l’avis conforme d’une autre autorité, le refus d’un tel accord s’impose à l’autorité compétente pour statuer sur la demande d’autorisation »
- Illustrations de situations de compétence liée
Il y a des cas où le maire, bien qu’autorité compétente pour délivrer les autorisations d’urbanisme, doit recueillir l’accord d’autres autorités.
- Compétence liée du maire en absence de documents d’urbanisme couvrant le terrain d’assiette du projet
Pour illustration, l’article L.422-5 du Code de l’urbanisme prévoit que le maire doit recueillir l’accord du préfet lorsque la commune n’est pas couverte par un document d’urbanisme :
« Lorsque le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale est compétent, il recueille l’avis conforme du préfet si le projet est situé :
- a) Sur une partie du territoire communal non couverte par une carte communale, un plan local d’urbanisme ou un document d’urbanisme en tenant lieu ;
- b) Dans un périmètre où des mesures de sauvegarde prévues par le deuxième alinéa de l’article 424-1peuvent être appliquées, lorsque ce périmètre a été institué à l’initiative d’une personne autre que la commune.»
Le maire se trouvait dans cette situation au cas d’espèce. Il était en situation de compétence liée vis-à-vis du préfet parce que la commune d’assiette du projet n’était couverte par aucun document d’urbanisme.
- Compétence liée du maire pour les autorisations aux abords des monuments historiques
Le maire est également lié par l’avis de l’architecte des bâtiments de France lorsque le projet se situe dans le périmètre des abords d’un monument historique ou qu’il entre en covisibilité avec celui-ci. L’article L.621-27 du Code du patrimoine dispose ainsi que :
« Lorsque les constructions ou les travaux envisagés sur les immeubles inscrits au titre des monuments historiques sont soumis à permis de construire, à permis de démolir, à permis d’aménager ou à déclaration préalable, la décision accordant le permis ou la décision de non-opposition ne peut intervenir sans l’accord de l’autorité administrative chargée des monuments historiques ».
- Le maire en situation de compétence liée pour retirer l’autorisation
La difficulté posée par l’arrêt présentement commenté tient au fait que le maire a prononcé un refus d’autorisation, postérieurement à la naissance tacite d’une autorisation d’urbanisme. En l’espèce, l’autorisation pour la construction individuelle a été demandée le 6 juillet 2018. Le délai d’instruction étant de deux mois, une décision d’acceptation implicite est née le 6 septembre 2018. Or, le maire a opposé son refus le 20 septembre suivant. Quel sort réservé à l’autorisation ?
- L’obligation de retrait de l’autorisation d’urbanisme
Dans cet arrêt, le juge vient s’opposer à ce que le pétitionnaire d’une autorisation échappe à l’accord obligatoire du préfet. Ainsi, il pose le principe suivant :
« Toutefois, il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué, et il n’est d’ailleurs pas contesté, qu’un permis de construire tacite était né, en application des dispositions combinées des articles R. 423-23 et R. 424-1 du même code, à l’expiration d’un délai de deux mois à compter du dépôt de l’entier dossier de demande, soit le 6 septembre 2018, et que la décision contestée du 20 septembre 2018, prise dans le délai de trois mois prévu à l’article L. 424-5 du code de l’urbanisme, ne pouvait être regardée que comme procédant au retrait de ce permis de construire tacitement accordé en méconnaissance de l’avis rendu par le préfet. »
Le préfet ayant émis sont refus d’accord, le maire n’a d’autre choix que de procéder au retrait de l’autorisation de permis de construire tacitement accorée le 6 septembre. Si le maire avait répondu avant le 6 septembre, il aurait simplement été dans l’obligation de refuser le permis (tant qu’aucune décision implicite ne nait, la question du retrait ne se pose pas).
Dans une telle situation, peu importe que le maire accorde ou non l’autorisation. Ce qui compte est l’avis du préfet. En cas de refus d’accord, comme au cas d’espèce, le refus d’autorisation est alors simplement requalifié en retrait d’autorisation.
- L’inopérance des moyens autres que ceux tenant à la légalité de l’accord émis par l’autorité liante
Classiquement, lorsqu’une autorité administrative est en situation de compétence liée, les vices de forme ou de procédure ne sont pas opérants : dans tous les cas, la décision doit être prise, admettre l’opérance de tels moyens irait à l’encontre de l’effet utile de l’annulation (Conseil d’Etat, Section, du 3 février 1999, Montaignac n°149722).
Le juge ici sanctionne le raisonnement de la cour d’appel qui aurait dû qualifier le moyen tenant au non-respect du contradictoire d’inopérant :
« Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 2 ci-dessus que, dès lors que la cour administrative d’appel écartait l’unique moyen contestant la légalité du refus d’accord du préfet, elle devait regarder le maire, qui avait statué dans le délai de trois mois imparti par l’article L. 425-5 du code de l’urbanisme, comme tenu de retirer le permis de construire tacitement accordé à Mme A… en méconnaissance de ce refus. Dès lors, le moyen pris de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 122-1 du code des relations entre le public et l’administration citées ci-dessus faute de procédure contradictoire préalable était inopérant. En se fondant sur ce moyen pour annuler la décision attaquée, la cour administrative d’appel de Versailles a entaché son arrêt d’erreur de droit. Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires est, par suite, fondé à en demander, pour ce motif, l’annulation. »
Les seuls moyens pouvant être invoqués sont ceux tenant à la légalité du refus d’accord (par voie d’exception). En l’espèce, aucun moyen soulevé n’a permis de remettre le refus d’accord du préfet en cause, le maire était donc légalement tenu de retirer le permis de construire.
Pauline BIALY – Juriste alternante
Ronan BLANQUET – Avocat Associé
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