
Responsabilité du notaire face à la loi Littoral : devoir de conseil et risques liés à la constructibilité
Le notaire est tenu d’un devoir général de conseil. Ce devoir inclut l’obligation d’informer les parties, en particulier l’acquéreur, sur les règles d’urbanisme applicables à un terrain lors d’une vente. Il doit notamment alerter sur la constructibilité du bien, même en présence d’un certificat d’urbanisme positif.
Le certificat d’urbanisme : une information, non une garantie
Avant la signature de l’acte authentique, le notaire doit demander un certificat d’urbanisme. Ce document, bien qu’utile, reste purement informatif. Il expose les principales règles applicables à une parcelle, mais ne garantit pas l’obtention d’un permis de construire. Dès lors, le notaire ne peut se contenter de ce seul document si d’autres éléments laissent présager un risque juridique.
La loi Littoral : un contexte juridique renforçant le devoir de vigilance
Lorsqu’un terrain se situe en zone littorale, les exigences réglementaires sont renforcées. Le notaire ne peut ignorer les dispositions de la loi Littoral du 3 janvier 1986. Même en présence d’un certificat d’urbanisme qui y fait référence, il doit alerter l’acquéreur sur les incertitudes liées à la constructibilité. La Cour de cassation a d’ailleurs jugé, dans un arrêt du 20 mars 2014 (Cass. 1re civ., n° 13-14.121), qu’il appartenait au notaire :
- d’informer l’acheteur des risques liés à l’absence de permis définitif,
- et de proposer l’insertion d’une condition résolutoire dans l’acte de vente.
Ce manquement à l’obligation de conseil peut engager sa responsabilité.
La Cour de Cassation l’énonce en ces termes :
« cette circonstance n’induit pas pour autant un manquement de M. X… à son obligation de conseil, dès lors que présumé légal, le certificat d’urbanisme délivré était réputé prendre en compte les restrictions au droit de construire imposées par la loi littoral à laquelle ce document faisait expressément référence ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’un certificat d’urbanisme, document purement informatif, n’ayant pas pour objet d’autoriser une construction ou la réalisation d’une opération immobilière, le notaire, informé d’un projet de construction concerné par la loi du 3 janvier 1986 dite loi littoral, se devait d’attirer l’attention de l’acquéreur sur les risques qu’il encourait en s’engageant avant que le permis de construire requis n’ait acquis un caractère définitif, et de l’informer de la possibilité d’insérer une condition résolutoire dans l’acte de vente, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; » (Cass. 1re civ., 20 mars 2014, n° 13-14.121).
Risque réalisé : refus du permis et absence de mise en garde
Le notaire ne peut se retrancher derrière un certificat d’urbanisme si le risque est avéré. Dans une affaire jugée par la cour d’appel de Pau le 19 mars 2024 (n° 22/03216), les acquéreurs ont vu leur permis de construire refusé en raison de l’application de la loi Littoral. Le tribunal administratif a confirmé ce refus. Le notaire, qui n’avait ni attiré l’attention sur ce risque ni proposé de clause suspensive, a ainsi manqué à son devoir.
Quand le notaire peut-il légitimement se fier au certificat ?
Dans certaines situations, les juridictions ont écarté la responsabilité notariale, faute d’indice probant. La cour d’appel de Rennes, dans un arrêt du 27 septembre 2022 (n° 21/03635), a considéré que l’absence de mention de la loi Littoral dans le certificat d’urbanisme ne suffisait pas à justifier des recherches complémentaires. Le notaire pouvait raisonnablement se fonder sur le classement du terrain dans le PLU et sur les mentions explicites du certificat :
« Contrairement à ce que soutiennent les appelants, Me [F] n’avait aucune raison de soupçonner le caractère erroné de l’information contenue dans le certificat d’urbanisme informatif obtenu, ni l’illégalité de celui-ci.
En effet, le seul fait que le certificat litigieux ne visait pas la loi Littoral ne constituait pas en soi un indice suffisant, qui aurait dû le pousser à faire des recherches plus poussées sur le caractère constructible ou non du terrain, dès lors que le certificat faisait mention du classement du terrain en zone constructible, en se référant explicitement au PLU de la commune. » (CA Rennes, 1re ch., 27 sept. 2022, n° 21/03635).
Conclusion : une obligation de conseil adaptée au contexte géographique
Le notaire doit toujours apprécier le contexte réglementaire au-delà des apparences. En zone littorale, il doit redoubler de vigilance, conseiller l’acquéreur sur les incertitudes liées à la constructibilité et recommander l’insertion de clauses protectrices. Faute de quoi, il s’expose à des poursuites pour manquement à son devoir d’information.
Pauline BIALY – Juriste alternante
Ronan BLANQUET – Avocat Associé
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