Le certificat d’urbanisme, et plus précisément le certificat d’urbanisme opérationnel (CUb), est souvent perçu comme une première victoire pour un porteur de projet immobilier. Il atteste de la constructibilité du terrain et cristallise les règles d’urbanisme pendant 18 mois. Pourtant, certains pétitionnaires découvrent avec surprise que leur permis de construire est refusé, en dépit de ce certificat favorable.
Alors, comment expliquer ce décalage ? Quelles sont les marges de manœuvre lorsqu’un projet se heurte à un refus malgré un CUb positif ?
Qu’est-ce qu’un certificat d’urbanisme positif (CUb) ?
Le certificat d’urbanisme opérationnel répond à une demande du pétitionnaire qui souhaite savoir :
- si le terrain peut accueillir une opération déterminée (ex : construction d’une maison, d’un immeuble, d’un commerce…) ;
- tout en bénéficiant de la cristallisation des règles et servitudes d’urbanisme pendant 18 mois.
Lorsqu’il est positif, l’administration affirme qu’à ce stade, en l’état des informations dont elle dispose, l’opération est réalisable. Cependant, le demandeur doit tout de même déposer une demande de permis de construire, qui sera soumise à un nouvel examen du service instructeur.
Pourquoi un permis de construire peut-il être refusé malgré un CUb positif ?
Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce paradoxe. Voici les principales causes de refus observées en pratique.
1. Non-conformité du projet au PLU ou aux règles applicables
Le certificat d’urbanisme ne vaut pas validation du projet déposé. Il ne fait qu’indiquer que le terrain est constructible au regard des règles générales. Lors de l’instruction du permis, l’administration examine finement la conformité du projet concret (surface, implantation, hauteur, aspect extérieur…) avec les prescriptions du Plan Local d’Urbanisme (PLU) ou du règlement national.
Exemple concret :
Un propriétaire obtient un certificat d’urbanisme opérationnel positif pour la construction d’une maison d’habitation sur sa parcelle. Suite à l’obtention de certificat, il signe un compromis de vente sous la condition suspensive d’obtenir un permis de construire. Malheureusement, la demande de permis de construire a été refusée car le projet était contraire à la loi Littoral (TA Rennes, 5e ch., 25 mars 2024, n° 2104452)…ce qui signifie que le certificat d’urbanisme était lui-même illégal.
2. Contraintes de sécurité ou de salubrité publique
Un certificat d’urbanisme n’analyse pas en détail les risques spécifiques liés au projet. Ainsi, des zones inondables, des risques naturels (mouvements de terrain, feu de forêt), ou des problèmes d’assainissement peuvent motiver un refus de permis de construire, alors même qu’un certificat d’urbanisme positif avait été délivré :
« Aux termes de l’article L.410-1 du Code de l’urbanisme […] Ces dispositions ont pour effet de garantir à la personne à laquelle a été délivré un certificat d’urbanisme, quel que soit son contenu, un droit à voir sa demande de permis de construire déposée durant les dix-huit mois qui suivent examinée au regard des dispositions d’urbanisme applicables à la date de ce certificat, à la seule exception de celles qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique. » (Conseil d’État, 6e et 5e chambres réunies, 24 Novembre 2021 – n° 437375)
3. Erreurs ou omissions dans le certificat d’urbanisme
Il arrive que le certificat d’urbanisme ne reflète pas fidèlement les contraintes réelles, notamment en cas de mauvaise application de la réglementation, ou de méconnaissance de dispositions spécifiques comme la loi Littoral (articles L121-1 et suivants du Code de l’urbanisme).
Dans ce cas, l’administration peut revenir sur les informations délivrées dans le CUb, et refuser le permis.
4. Modification du projet ou du contexte réglementaire
Même si les règles d’urbanisme sont « figées » pour 18 mois, le projet présenté dans le permis de construire doit être fidèle à celui visé dans le CUb. Toute modification peut induire une interprétation différente des règlements d’urbanisme et donc justifier un refus.
De même, certaines règles non cristallisées (liées à la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique, prescriptions environnementales, avis de l’ABF…) peuvent s’imposer, indépendamment du CUb.
5. Atteinte à l’environnement ou au paysage
Enfin, même si le terrain est constructible, le projet peut être refusé s’il porte atteinte au paysage, à un site classé, ou s’il génère un impact environnemental disproportionné.
Quels recours après un refus de permis malgré un CUb positif ?
Face à un refus, plusieurs stratégies sont envisageables :
Recours gracieux
Vous pouvez adresser un recours gracieux au maire dans un délai de 2 mois à compter de la notification du refus. L’objectif est d’obtenir une révision de la décision, éventuellement après avoir ajusté le projet.
Recours contentieux
Si le recours gracieux échoue ou si vous préférez saisir directement la justice, un recours contentieux peut être engagé devant le tribunal administratif. Il s’agira alors de démontrer :
- une erreur d’interprétation des règles d’urbanisme ;
- une méconnaissance de la portée du certificat (par ex. si l’administration a omis son effet cristallisateur) ;
- ou encore une disproportion dans l’appréciation de l’impact du projet.
Il sera encore possible de rechercher, le cas échéant, la responsabilité de l’administration ou du notaire.
Révision du projet
Dans certains cas, le plus simple peut être de revoir le projet (volumétrie, implantation, matériaux…), en respectant scrupuleusement les prescriptions du PLU ou les motifs évoqués dans la décision de refus.
⚖️ Action en responsabilité du notaire et de l’administration
L’engagement de la responsabilité de l’administration
En cas d’erreur ou d’omission d’informations obligatoires dans le certificat d’urbanisme, il est alors possible d’engager la responsabilité de l’administration (Cour administrative d’appel de Lyon – 2E CHAMBRE, 19 octobre 1995, n° 93LY01962).
Plus particulièrement concernant la loi Littoral, la commune qui octroie un CU sans émettre de réserves quant à l’application de ladite loi peut engager sa responsabilité (CAA Nantes, 20 janvier 2012, SAS Val d’Erdre Promotion, n° 10nt00975).
Sur l’engagement de la responsabilité du notaire
Le notaire est soumis à une obligation générale de conseil. En particulier, son conseil doit porter sur la réglementation urbanistique en vigueur de sorte qu’au moment de la signature d’un acte authentique de vente par exemple, les parties — et plus spécifiquement l’acquéreur — soient informées de la constructibilité du terrain. Et ce, y compris concernant l’application de la loi littoral :
« Qu’en statuant ainsi, alors qu’un certificat d’urbanisme, document purement informatif, n’ayant pas pour objet d’autoriser une construction ou la réalisation d’une opération immobilière, le notaire, informé d’un projet de construction concerné par la loi du 3 janvier 1986 dite loi littoral, se devait d’attirer l’attention de l’acquéreur sur les risques qu’il encourait en s’engageant avant que le permis de construire requis n’ait acquis un caractère définitif, et de l’informer de la possibilité d’insérer une condition résolutoire dans l’acte de vente, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; » Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 20 mars 2014, 13-14.121, Publié au bulletin.
En conclusion : le CUb n’est pas un permis de construire
Le certificat d’urbanisme positif est une étape sécurisante, mais non décisive. Il constitue un outil d’anticipation, et non une autorisation formelle.
Pour éviter les déconvenues, il est essentiel de :
- bien analyser les contraintes du PLU et des servitudes applicables ;
- adapter son projet dès la phase d’esquisse ;
- Lorsque cela est possible, acheter sous la condition suspensive d’obtention d’un permis de construire (ou d’aménager) définitif ;
- et, en cas de doute, se faire accompagner par un avocat en droit de l’urbanisme.
Questions fréquemment posées
Quelle est la durée de validité d’un certificat d’urbanisme ?
18 mois à compter de sa délivrance. Il peut être prorogé d’une année, sous conditions.
Le certificat d’urbanisme est-il opposable à la mairie ?
Il est opposable en ce qu’il fige les règles d’urbanisme applicables, mais il ne lie pas l’administration sur la décision finale du permis de construire.
Qui a le dernier mot en matière de permis de construire ?
C’est le maire compétent, après instruction par les services d’urbanisme, qui prend la décision finale.
Besoin d’un accompagnement juridique pour sécuriser votre projet d’urbanisme ?
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